Le 19 février 2011 est la date qui marque le début de la « crise requin » à la Réunion.
Passionnés de surf et vacanciers qui se baignaient à proximité du rivage, ont été victimes d’attaques de squales. Même un chien qui jouait sur le bord de l’eau a été dévoré.
Depuis quatre ans, ce sont seize attaques de requins qui ont été recensées à la Réunion. Et ces animaux suscitent de plus en plus l’inquiétude des Réunionnais.
Dernière attaque mortelle : 12 avril 2015, Elio, un jeune surfeur de 13 ans, attaqué à la Pointe des Aigrettes.
Les médias (sûrement en manque de nouvelles sensationnelles) ont fait leurs choux gras de cette actualité brûlante et sanglante, stigmatisant l’île et faisant fuir les touristes (10% de touristes en moins en 2013). De nombreux clubs de surf ont dû mettre la clef sous la porte par manque de clients.
Bien sûr, leur présence n’est pas nouvelle. Après tout l’océan est leur milieu de vie et la Réunion est une île. Mais les attaques de requins n’ont jamais été aussi nombreuses et aussi rapprochées.
Paradoxes :
– Avalanches ou accidents d’avions causent plus de morts chaque année dans le monde que les attaques de requins. Et pourtant les gens continuent de se rendre à la montagne pour skier ou de prendre l’avion pour voyager.
– L’homme reste le plus grand prédateur des requins avec 38 à 100 millions de requins tués chaque année, victimes collatérales de la pêche intensive. Sans compter les pêcheurs qui les rejettent à la mer, encore vivants, après leur avoir coupé les ailerons. 80 à 90 % des requins ont déjà été exterminés par l’homme. D’après la liste rouge de l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN), 6 espèces ont le statut « préoccupation mineur » ; 14 espèces ont le statut « quasi menacées » ; 9 espèces ont le statut « vulnérables » ; 1 espèce a le statut « en danger » ; 1 espèce a le statut « en danger critique d’extinction ».
Surfeurs et écologistes s’accusent mutuellement.
En 2007 est créé la réserve marine afin de sauver 3 500 espèces marines et une biodiversité unique menacées par les activités humaines. La pratique du jet ski y est interdite et la pêche réglementée.
Les surfeurs accusent ces scientifiques d’être responsables de la présence des requins à la Réunion. Pour eux, il ne fait aucun doute que c’est la réserve marine qui attire les requins en devenant leur « garde-manger ». Le mot « assassin » a même été tagué sur des panneaux de la réserve.
Les écologistes accusent l’état de perpétrer un massacre en autorisant les « prélèvements » de requins. Les écologistes pointent aussi du doigt les surfeurs. Si ces prélèvements existent ce serait pour qu’ils puissent continuer à « s’amuser dans les vagues ». Car pour avoir de belles vagues, les surfeurs doivent aller dans des zones non protégées par la barrière et donc non protégées des requins. Les écologistes condamnent la solution de la réduction de la superficie de la réserve naturelle. Solution qui irait à l’encontre de la protection de la faune marine. Ils voient dans l’existence de la réserve la possibilité de développer l’écotourisme encadré.
Les différentes hypothèses émises concernant la présence des requins à la Réunion :
– La surpêche, en particulier celle concernant les grands poissons comme les thons, briserait la chaîne alimentaire des requins et les obligerait à se rapprocher des côtes réunionnaises pour se nourrir.
– Les rejets des fermes aquacoles. Les requins étant des prédateurs opportunistes, ils se nourrissent de tout ce qu’ils peuvent trouver. Ces rejets organiques (débris de poissons) sont détectés à plusieurs kilomètres à la ronde par l’odorat hyper sensible des requins.
– Les requins seraient attirés par la réserve marine (faux ; répliquent les scientifiques ; Dans tous les océans de la planète, les organismes vivants se concentrent surtout aux niveaux des côtes et des plateaux et c’est donc naturellement que les prédateurs viennent s’y nourrir. Sa présence ne change rien aux habitudes des grands poissons.)
– Les requins, aimant les eaux troubles qui les cachent à leurs proies, seraient attirés par les eaux réunionnaises dont la turbidité a augmenté à cause des activités humaines (ruissellement des eaux issues de l’agriculture, surcharge des stations d’épuration…).
– Les requins seraient attirés par le nombre croissant de pratiquants de loisirs aquatiques, de surfeurs et de baigneurs. Les ondes de basse fréquence émises par les battements de pieds et de mains d’un surfeur se rendant sur les lieux de la vague ou d’un nageur sont identiques, pour le requin, à celles émises par un poisson en détresse.
– La disparition des requins de récifs (inoffensifs pour l’homme) qui représentaient une menace pour les jeunes requins bouledogues en les empêchant de s’approcher des côtes.
Les mesures prises par l’état :
– Mise en place d’interdictions de se baigner et de pratiquer des activités nautiques ailleurs que dans le lagon.
– Captures et prélèvements de requins tigre et de requins bouledogue. Cette mesure est jugée inutile par les scientifiques, car les requins peuvent se déplacer sur de longues distances et ne seraient donc pas des animaux territoriaux. De plus ces deux espèces sont inscrites sur la liste rouge de l’UICN et ont le statut d’espèces « quasi menacées ».
Alors quelles solutions envisager ?
– Suivre les requins, grâce à la pose de balises et à une surveillance satellite, afin de connaître leurs déplacements et leurs habitudes (à l’essai actuellement).
– Installation de filets de protection anti requins au niveau des plages (à l’essai actuellement).
– Installation de lignes piégées fixes (à l’essai actuellement).
– Changement des pratiques de pêche afin d’éviter la disparition des grands poissons consommés par les requins.
– Meilleures pratiques de l’agriculture et de traitement des eaux afin de réduire la turbidité de l’eau.
– Education à l’écocivisme et au respect d’un milieu naturel qui n’est pas celui de l’homme.
Recommandations :
Respecter les interdictions, les drapeaux et les conseils des maîtres nageurs.
Rester dans les lagons qui sont des zones protégées par la barrière de corail.
Se baigner en groupe et dans des eaux claires.
Ne pas pratiquer d’activités aquatiques (plongée, nage, surf…) dans des eaux troubles, aux embouchures des rivières, aux entrées des ports, près des zones de la réserve marine et des cages à poissons.
Ne pas pratiquer d’activités aquatiques (plongée, nage, surf…) à l’aube, au coucher du soleil et la nuit, périodes où les requins sont les plus actifs.
Et comme si la Réunion n’était pas déjà suffisamment traumatisée par tous ces drames, voilà qu’une chroniqueuse de D8 jette de l’huile sur le feu en apportant une réponse, pour le moins farfelue et choquante, aux yeux des Réunionnais, à la crise requin. Là où aucun scientifique et expert ne peut apporter de réponse, cette chroniqueuse a résolu l’énigme de la crise requin à la Réunion !!
Quelques jours plus tard, sur le plateau de l’émission, elle a présenté ses excuses aux Réunionnais afin de mettre fin à la polémique que ses propos erronés avaient engendré.
Alors, avec un peu de bon sens, et en respectant les mesures préfectorales et des recommandations toutes simples, on pourra tous profiter encore longtemps de belles baignades dans le lagon de la Réunion… loin des dents de la mer !
Pour finir, je vous propose documentaire récent tourné à la Réunion, devenue « l’île aux requins »…
… ainsi que cette enquête radiophonique (composée de cinq interviews ) réalisée par les élèves de l’école René Perianayagom : « Raconte moi les requins ! ». Ce projet a été proposé à la fondation Nicolas Hulot.
Sources :
France inter
Le nouvel observateur
Le monde
Clicanoo
Futura sciences
Planetoscope
UINC
Wikipédia (liste de l’UICN)
France 2 (envoyé spécial)
France 3 (c’est pas sorcier)
Arte
D8