A la Réunion, il y a des mots qui font tellement partie des habitudes langagières que l’on oublie qu’ils sont inconnus des Français de France ou qu’ils ont, pour eux, un tout autre sens. Alors évidemment lorsqu’au détour d’une conversation avec des métropolitains, l’un de ses mots se glisse dans une phrase, la stupéfaction et l’incompréhension est lisible dans les yeux des interlocuteurs.
Petits exemples :
un GSM : Pour un Français de France, le GSM est une bande de fréquence nécessaire au fonctionnement des téléphones mobiles. A la Réunion un GSM est tout simplement un téléphone mobile. Aussi on entendra plus fréquemment « Tu peux me donner ton numéro de GSM ? » que « Tu peux me donner ton numéro de mobile ? ».

Voici un GSM !
Petite anecdote : Un jour, en flânant au marché forain, mon mari et moi avons entendu un vendeur qui criait « haricots GSM ». Intrigués, nous nous sommes approchés, histoire de découvrir ces haricots hi-tech. Lorsque nous lui avons demandé pourquoi il appelait ses haricots verts, des haricots GSM, il nous a répondu, le plus sérieusement du monde, que c’était parce que c’étaient des haricots sans fil !
un gabier : Si, lors d’un voyage en France, un Réunionnais demande où se trouve le gabier le plus proche, il ne risque pas d’être dirigé vers la banque. En effet, en France, le « gabier » est le matelot chargé des voiles d’un navire et non un distributeur d’argent. Avec le temps, à la Réunion, le GAB (Guichet Automatique Bancaire) est devenu gabier.
Petite spécificité de certains distributeurs de billets à la Réunion, on peut y lire les instructions en créole. Ce qui donne :
Si ce distributeur affichait simultanément les instructions en français et en créole, sur d’autres il est possible de choisir le français ou le créole, voire l’anglais pour certains gabiers… pardon, distributeurs de billets )
une bringelle : A force de voir ce mot écrit sur les panneaux des vendeurs du marché forain, on oublie que ce légume est appelé en français « aubergine », alors forcément quand on dit à des amis zoreils, invités pour le dîner, « je vais préparer une entrée à base de bringelles », ils ne peuvent que vous regarder avec des yeux ronds !

sur un étal du marché forain
Mais comment une « aubergine » est-elle devenue une « bringelle », vous demandez-vous ? Et bien tout simplement parce qu’en Inde, les indiens utilisent le mot anglais « brinjal ». Et comme vous le savez, il existe à la Réunion une importante communauté indienne – appelée ici « les malbars » – descendante des engagés arrivés après l’abolition de l’esclavage. Ils ont emmené ce mot avec eux et celui-ci s’est transformé, passant de « brinjal » à « bringelle ».
une pipette : A la Réunion, une pipette n’est pas seulement utilisée en cours de chimie pour prélever des liquides ! On la connaît surtout lorsque l’on a soif, car la pipette (en plastique) est idéale pour boire un granité ou encore une canette de soda. Bref, vous l’aurez compris, une pipette c’est… une paille !
Un petit défi pour finir. Trouverez-vous la signification de cette phrase ?
« A soir, je vais vitement à la boutik sinoi pour roder des grains pour le carry, du piment qui poike bien la bouche et une brosse pour démailler les cheveux de ma fille ! »
Trop bon, cela m’a rappelé mes vacances là-bas. Il m’est resté aussi « Alon Bat’ Karé ! » que j’emploie souvent.